Le nouveau décret
Le Ministère de la transition écologique et de la Cohésion des territoires a travaillé sur un nouveau décret qui a été publié le 2 mars 2023 au Journal Officiel.
Une REP a pour but d’organiser une filière, de la production à la vente, pour qu’elle collecte et recycle ses produits usés, autrement appelés déchets. Ce nouveau décret impose une nouvelle responsabilité aux vendeurs de pneumatiques : celle de récupérer les pneus issus de marchés parallèles dont les acteurs s’affranchissent du paiement de l’écocontribution.

Le recyclage du pneumatique, pourquoi ça marche ?
Le pneu a ceci de particulier que son utilisation est limitée dans le temps, contrairement aux produits de la REP ameublement par exemple, que l’on peut se transmettre de génération en génération. Une fois usé, le pneu est abandonné sans trop d’états d’âme au réparateur qui aura pris soin de le remplacer par un pneu neuf. Les REP emballage ou médicament n’ont pas cet avantage : un pharmacien ne récupèrera pas l’ancienne boite de médicaments avant d’en délivrer une nouvelle.
La collecte des pneus usés peut donc être organisée en répertoriant les revendeurs de pneus neufs (appelés détenteurs) et en organisant des tournées. Depuis 2004, 510.000 tonnes de pneus sont ainsi récupérés dans plus de 35.000 points de collecte chaque année en moyenne. Environ 1.500 collectes sont effectuées quotidiennement, soit une collecte toutes 39 secondes. Entre 98% et 105% des pneus vendus en France sont ainsi récupérés entre 2 et 5 ans après leur mise sur le marché. Il est en effet, possible de récupérer plus de pneus que ceux vendus l’année précédente puisque les ventes varient d’une année sur l’autre. La loi n’obligent pas les éco-organismes à collecter plus de 100% des pneus mis sur le marché l’année précédente mais, ils le font.
En revanche, le pneu est complexe à recycler. Ce qui n’est pas le cas des produits issus de la REP lubrifiants que l’on peut réutiliser après traitement. Un pneu usé peut être soit revendu d’occasion (15% des collectes environ), soit servir de combustible dans des cimenteries ou des systèmes de chauffage collectifs (50% des collectes), soit être broyé pour être utilisé sur des terrains de sport synthétiques ou des bassins de rétention d’eau, notamment. Ces résidus de pneu se doivent d’être moins chers que des produits de substitution existants (le coke pour la combustion par exemple), sinon on les stocke faute de pouvoir les vendre. Il va de soi que les automobilistes ne sont pas prêts à payer leurs pneus beaucoup plus cher au motif que le recyclage coûte cher.
Une filière qui fonctionne parfaitement
Souvent citée en exemple au niveau européen, la filière de recyclage de pneu française peut s’enorgueillir du plus fort taux de collecte de toutes les filières REP. Ainsi, un nombre extrêmement faible de pneus usés sont abandonnés dans la nature … ce qui n’est pas le cas des emballages, autre REP, par exemple.
Le coût de fonctionnement de la filière est réduit, ce qui permet de limiter le montant de l’écocontribution et donc le prix à payer pour l’automobiliste.
Enfin, le recyclage fonctionne plutôt bien puisque les stocks de déchets de pneu ne progressent pas d’année en année. Le rechapage des pneus de poids lourds (30% des pneus vendus) permet par exemple de limiter la quantité à recycler. Les industriels travaillent depuis de nombreuses années pour améliorer le recyclage de leurs produits et s’interdisent d’introduire toute nouvelle technologie qui pourrait le rendre plus complexe.
Il est également à noter que cette filière de recyclage est basée sur un système dit individuel, c’est-à-dire financé, piloté et organisé par les manufacturiers sans intervention active de l’état.
Recyvalor et les stocks dits « orphelins »
La filière pneumatique a même volontairement décidé de se lancer dans la récupération des déchets de pneus qui avaient été disséminés abusivement dans la nature avant la mise en place de la REP. Elle n’y était pas obligée mais tous les acteurs (distributeurs et manufacturiers) étaient conscients des risques encourus à ne pas s’en soucier. L’association RECYVALOR a donc été créée et financée à cet effet. Ont ainsi été évacués en 10 ans, 7 millions de pneus soit 55 000 tonnes de déchets. Aujourd’hui, il n’existe plus aucune grosse décharge sauvage de pneus usés en France.
Pourquoi un nouveau décret ?
L’objectif de cette nouvelle rédaction et d’un nouveau décret était d’harmoniser les règles entre les différentes REP existantes ou nouvelles, bien que, comme nous l’avons vu, toutes les filières ne soient pas organisées selon les mêmes standards et que tous les produits soient fort différemment constitués, vendus, utilisés, collectés et aptes à être recyclés. Il est ainsi patent qu’entre des meubles, des piles, des médicaments, des emballages ou des pneus, il existe de nombreuses différences et particularités dans la manière de les produire, de les utiliser et de les recycler. Tenter d’homogénéiser les règles revient à nier l’existence de ces particularités. À quelle fin lorsque les REP s’acquittent correctement de leur obligation ?
Quels enjeux ?
Les acteurs de la filière n’ont en revanche aucun moyen de contraindre certains vendeurs indélicats à éco-contribuer. L’état serait potentiellement en capacité de le faire à travers les services des douanes, de l’autorité de la concurrence ou des services fiscaux.
Des sites de vente en ligne basés à l’étranger, des revendeurs « à la sauvette » sur des plateformes de petites annonces et de discrets importateurs-bradeurs, vendent des pneus en toute impunité sans se soucier du paiement de l’écocontribution qui finance le système tout entier. Dans ce marché gris qu’il est convenu d’appeler parallèle, transitent quelques centaines de milliers de pneus neufs qui échappent aux (très rares) contrôles de l’administration.
Bien sûr, ces revendeurs ainsi que les automobilistes qui achètent ces pneus n’ont aucun moyen légal de se débarrasser des pneus usés. Ceux-ci sont parfois déposés discrètement avant l’heure d’ouverture devant les portes des déchetteries municipales ou simplement abandonnés dans la nature.
Ce qu’impose le nouveau décret
Le nouveau décret impose désormais aux réparateurs de récupérer non seulement les pneus usés issus de leur commerce mais également ceux des automobilistes qui se trouvent piégés après avoir acheté leurs pneus sur ces marchés gris ou parallèles. Et ce, dans la limite de 8 par an et par personne. Charge au déposant de fournir une attestation sur l’honneur et copie de sa carte d’identité.
Tout à chacun comprendra qu’il est pour le moins incongru que le législateur contraigne les acteurs honnêtes à réparer gracieusement les méfaits de leurs concurrents illégaux.
Le simple fait de devoir fournir une attestation sur l’honneur et la copie d’une carte d’identité devrait également limiter les dépôts, même s’ils sont autorisés. Nous craignons que ceux-ci s’effectuent davantage anonymement devant le point de vente ou dans le pire des cas, que des vieux pneus continuent à s’amonceler dans des sous-bois ou au bord des routes.
D’évidence, seule l’augmentation du nombre de contrôles et de sanctions de la part de l’administration auprès des revendeurs indélicats pourrait avoir une incidence. Cette nouvelle mesure est donc au mieux injuste et au pire inutile.